DE NOUVELLES PRÉCISIONS SUR LA NOTION DE DESTINATION AU SENS DE LA LÉGISLATION D’URBANISME

DE NOUVELLES PRÉCISIONS SUR LA NOTION DE DESTINATION AU SENS DE LA LÉGISLATION D’URBANISME

Publié le : 21/01/2019 21 janvier janv. 01 2019

La notion de destination est essentielle, pour l’application des règles d’urbanisme qui viennent en premier lieu limiter et encadrer les travaux et constructions pouvant être effectués sur un territoire, conformément au parti d’aménagement retenu par la collectivité compétente.

Cette notion de destination, appliquée aux constructions existantes, n’en demeure pas moins difficile à cerner, malgré les précisions apportées sur ce point par les articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme et les documents locaux d’urbanisme.

Le Conseil d’Etat vient, par un arrêt du 28 décembre dernier, d’apporter de nouvelles précisions sur la notion de destination, au sens de la législation d’urbanisme, en jugeant que : « Si l’usage d’une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire, lorsqu’une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans permis de construire et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l’administration, saisie d’une demande d’autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l’usage initial de la construction ; il lui incombe d’examiner si, compte tenu de l’usage qu’impliquent les travaux pour lesquels une autorisation est demandée, celle-ci peut être légalement accordée sur le fondement des règles d’urbanisme applicables » (CE, Ch. R. 6/5, 28 décembre 2018, M. B…., req. n° 408743).

Elle s’inscrit, ce faisant, dans la continuité de la jurisprudence traditionnelle sur cette notion, tout en précisant l’office de l’administration dans le cas difficile d’une construction ancienne n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation et abandonnée.

– D’une part, cette décision rappelle en premier lieu la définition formelle que la jurisprudence retient de la notion de destination.

Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que « pour apprécier la condition du changement de destination, le maire doit prendre en compte la destination initiale du bâtiment ainsi que, le cas échéant, tout changement ultérieur de destination qui a fait l’objet d’une autorisation ». (CE, 12 mars 2012, Commune de Ramatuelle, req. n°336263 – nous soulignons).

La destination d’une construction ne peut dès lors s’entendre de son usage effectif, mais uniquement à la destination reconnue par une autorisation d’urbanisme, sans que les changements de destination non autorisés ne puissent être pris en compte (CE, SSR 6/1, 27 juillet 2009, SCI la paix, req. n°305920).

– Mais d’autre part, cette décision vient apporter de nouvelles précisions sur les difficultés qu’une telle conception formelle de la destination peut engendrer pour l’administration en charge d’instruire les demandes d’autorisation d’urbanisme.

La jurisprudence a en effet été très tôt confrontée à la problématique des bâtiments qui, abandonnés, pouvait soulever des doutes sur leur destination.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat avait considéré que la cessation d’une activité au sein d’une construction avait pour conséquence de faire lui perdre sa destination (CE, SSR 5/3, 20 mai 1996, M. et Mme X, req. n°125012).

La haute-juridiction est toutefois revenue sur cette position. Le Conseil d’Etat a en effet considéré que l’inoccupation ou l’inexploitation d’un bâtiment n’emporte pas dès lors, avec le temps, perte de la destination ou changement de la destination telle que mentionnée dans l’autorisation initiale : « la circonstance qu’une construction à usage d’habitation n’aurait pas été occupée, même durant une longue période, n’est pas par elle-même de nature à changer sa destination » (CE, SSR 6/1, 9 décembre 2011, M. Martial A., req. n°335707 ; voir également, CAA Paris, 2 avril 2009, Commune de Maincy, req. n°06PA00937).

Cette position du Conseil d’Etat n’était toutefois pas dénuée de toute ambiguïté, dès lors qu’elle indiquait également que « doivent être regardées comme des constructions à usage d’habitation, au sens et pour l’application du 2. de l’article NC1 du règlement du POS précité, les édifices destinés, compte tenu de leurs caractéristiques propres, à l’habitation » (CE, SSR 6/1, 9 décembre 2011, M. Martial A., req. n°335707 – nous soulignons).

Cette décision signifie qu’en l’absence d’autorisation d’urbanisme connue, l’administration peut déterminer la destination de la construction au regard de ses caractéristiques essentielles, sans avoir à « rechercher systématiquement la dernière destination connue de la construction » (en ce sens, Dict. Perm. Construction-Urbanisme, Etude Permis de construire, §21).

La décision du 28 décembre dernier tend ici à considérer que, dans certaines hypothèses, l’abandon ou l’inoccupation peut affecter la destination d’une construction, mais uniquement dans l’hypothèse où cette construction ne faisait pas l’objet, par son ancienneté, d’une autorisation d’urbanisme de nature à la figer pour l’avenir.

Elle offre ainsi une nouvelle souplesse à l’administration, tout en démontrant, s’il en était besoin, le réalisme dont sait faire preuve le juge administratif en droit de l’urbanisme.

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