CONTENTIEUX DE L’URBANISME : IMPACTS DE LA LOI ELAN
Auteur : Philippe Garro
Publié le :
29/10/2018
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1.- Dans le cadre de la stratégie logement présentée par le Gouvernement en septembre 2017, le projet de loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) était présenté en conseil des ministres le 4 avril 2018.
Cette loi a pour objet de favoriser la construction de logements en encadrant notamment les procédures contentieuses contre les autorisations d’urbanisme.
Après un accord en commission mixte paritaire, l’Assemblée Nationale et le Sénat ont définitivement adopté cette loi respectivement le 3 octobre et le 16 octobre dernier.
En attendant sa promulgation et son entrée en vigueur, il est possible d’identifier les principales mesures prévues en matière de contentieux de l’urbanisme.
2.- La loi ELAN intervient dans le prolongement du rapport « Maugüé » du 11 janvier 2018 remis au Ministre de la cohésion des territoires qui formulait des propositions d’évolution du contentieux des autorisations d’urbanisme afin de le rendre plus rapide et plus efficace.
Parmi ces propositions, on relève notamment des mesures visant à réduire les délais de jugement, consolider les autorisations délivrées ou encore sanctionner les recours abusifs.
3.- Dans un premier temps, le gouvernement a modifié les règles contentieuses applicables aux autorisations d’urbanisme par Décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 (cf. https://www.atmos-avocats.com/contentieux-de-lurbanisme-un-nouveau-decret-publie).
En particulier, on notera que deux articles ont été ajoutés à la partie réglementaire du Code de l’urbanisme :
– Art. R. 600-4 : imposant à peine d’irrecevabilité de produire au soutien d’une requête, un acte de nature à établir l’occupation ou la détention de son bien par le requérant ou, pour les associations, les statuts et le récépissé du dépôt en préfecture ;
– Art. R. 600-5 : emportant cristallisation automatique du débat contentieux passé un délai de deux mois à compter de la communication d’un premier mémoire en défense.
4.- La loi ELAN intervient donc dans un second temps en modifiant notamment la partie législative du Code de l’urbanisme relative au contentieux des autorisations d’urbanisme (art. L. 600-1 et s.).
Ainsi, le chapitre VI du projet de loi adopté prévoit d’ « Améliorer le traitement du contentieux de l’urbanisme ».
Principalement, le code de l’urbanisme est modifié sur quatre thématiques :
– L’intérêt à agir (4.1.) ;
– Les transactions (4.2.) ;
– Les pouvoirs du juge administratif (4.3) ;
– L’impact de l’illégalité des documents d’urbanisme sur l’autorisation (4.4).
4.1.- Sur l’intérêt à agir, les articles L. 600-1-1 et L. 600-1-2 du code de l’urbanisme sont modifiés.
D’une part, s’agissant de la recevabilité d’un recours d’une association, l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme prévoit actuellement qu’elle ne peut contester une autorisation d’urbanisme qu’à la condition d’avoir déposé ses statuts avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
Désormais, la nouvelle rédaction issue de la loi ELAN impose que les statuts aient été déposés « au moins un an avant » l’affichage de la demande en mairie.
En pratique, cela risque de limiter considérablement les recours des associations de quartier ou de riverain dès lors qu’il est probable qu’ils n’aient pas connaissance d’un projet dans un délai aussi important avant la demande.
D’autre part, s’agissant de la recevabilité des autres personnes, l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme impose la démonstration que les travaux projetés sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elles détiennent.
Toutefois, cet article limite actuellement son champ d’application aux seuls travaux ou aménagements autorisés par un permis de construire, de démolir ou d’aménager.
La nouvelle rédaction issue de la loi ELAN aura pour effet d’étendre l’application de ces dispositions à toute « décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code », incluant notamment les déclarations préalables.
4.2.- Sur les transactions, l’article L. 600-8 est modifiée pour faire apparaître un alinéa interdisant les contreparties financières dans le cas des transactions conclues avec une associations, à l’exception des cas où l’association agit pour la défense de ses intérêts matériels.
Cette rédaction peut sembler logique dès lors que les associations sont constitués à but non lucratif et qu’elles n’ont donc pas pour objet de s’enrichir à l’occasion de recours contre des autorisations.
Elle pose néanmoins une interrogation sur les possibilités de remboursement des frais qui ont pu être avancé par des associations pour défendre légitiment ses intérêts et son objet social.
4.3.- Sur les pouvoirs du juge administratif, la loi ELAN modifie les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme et crée un nouvel article L. 600-5-2.
Il convient de rappeler que les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 permettent actuellement au juge administratif, d’une part, d’annuler partiellement une autorisation si un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé (L. 600-5), et, d’autre part, de sursoir à statuer si une illégalité affectant un acte peut être régularisée (L. 600-5-1).
Ces deux articles sont modifiés en indiquant que le juge administratif peut recourir à ces possibilités même après l’achèvement des travaux.
En outre, il sera désormais précisé que le refus du juge de faire droit à une demande fondée sur les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 devra être motivé.
Par ailleurs, un nouvel article L. 600-5-2 sera introduit dans le code de l’urbanisme s’agissant de la délivrance de permis modificatif ou de décision de régularisation en cours d’instance.
Ces dispositions prévoient qu’en cas de communication de ces décisions aux parties en cours d’instance, sa légalité ne pourra être contestée que dans le cadre de cette instance.
Ces différentes mesures ont donc pour objet de limiter les possibilités de recours contre un permis de construire modificatif et de favoriser l’utilisation des pouvoirs du juge visant à permettre la régularisation d’une autorisation illégale.
4.4.- Enfin, la loi ELAN crée un article L. 600-12-1 dans le Code de l’urbanisme prévoyant les conséquences de l’annulation d’un document d’urbanisme sur les autorisations d’urbanisme.
Ainsi, il est prévu que cette annulation est « sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol (…) délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet ».
Il convient de rappeler que le Conseil d’Etat a pu préciser dans sa décision « commune de Courbevoie » du 7 février 2008 (req. n°297227) qu’ « il peut être utilement soutenu devant le juge qu’un permis de construire a été délivré sous l’emprise d’un document d’urbanisme illégal (…) à la condition que le requérant fasse en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions pertinences ainsi remises en vigueur ».
L’insertion de l’article L. 600-12-1 aurait donc pour effet de préserver la légalité d’une autorisation d’urbanisme en cas d’illégalité d’un document d’urbanisme dès lors que les dispositions illégales ne concerneraient pas les règles applicables au projet.
Selon l’étude d’impact de loi, l’objectif poursuivi est donc que « lorsqu’un document d’urbanisme aura été annulé ou déclaré illégal pour des raisons étrangères au droit des sols de la zone où est situé le permis de construire, ce seront toujours les règles de ce document d’urbanisme qui s’appliqueront, sans qu’il soit nécessaire de faire application des règles généralement obsolètes du document d’urbanisme antérieur ».
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