PRÉSENTATION DE L’ORDONNANCE SUR LES DÉLAIS EN MATIÈRE D’URBANISME AU CONSEIL DES MINISTRES DU 15 AVRIL 2020
Une nouvelle Ordonnance, procédant à des modifications et aménagements des délais en matière d’urbanisme a été présentée au Conseil des ministres du 15 avril 2020 (voir ordre du jour du Conseil des ministres).
Cette nouvelle adaptation des délais est en effet, en matière d’urbanisme, particulièrement attendue (Les échos, « Coronavirus : le gouvernement prêt à revoir sa copie sur l’instruction des autorisations d’urbanisme » ; Le Moniteur, « Covid-19 : le gouvernement présentera le 15 avril une révision de l’ordonnance « délais » en matière d’urbanisme »). Et ce même si les termes de l’Ordonnance ne manqueront pas, dans le cas présent, de soulever de nouvelles difficultés.
Il convient en effet de rappeler que la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 adoptée pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a largement habilité le gouvernement à agir par le biais d’ordonnances, et c’est sur ce fondement qu’a été publiée au JO du 26 mars l’Ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Cette Ordonnance a d’ores et déjà été longuement commentée (voir en particulier l’article du blog ATMOS Avocats), et même critiquée pour ses implications sur les opérations d’aménagement et de promotion immobilière.
Cette ordonnance suppose en effet, en matière d’urbanisme – notamment :
– Une suspension des délais d’instruction, pleinement applicable aux autorisations d’urbanisme, qui devaient se terminer entre le 12 mars et le 24 juin 2020. L’article 7 de l’Ordonnance précise en effet que :
« Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public »
– Une prorogation des délais de recours qui devaient échoir entre le 12 mars et le 24 juin 2020, pour un délai de 2 mois maximum à compter de ce même 24 juin 2020 – soit jusqu’au 24 août. Et ce en application de l’article 2 de l’Ordonnance aux termes duquel :
« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit ».
Les opérateurs du secteur ont ainsi largement dénoncé les conséquences de cette suspension des délais, dans la mesure où les projets en cours d’instruction ou qui ne bénéficiaient pas encore d’une autorisation d’urbanisme purgée de tous recours et de tout retrait vont subir des retards importants.
Il suffit ici, à titre d’illustration de se référer au tableau ci-dessous pour comprendre la variété des projets alors impactés par la suspension des délais d’instruction :
Hypothèse | Délai affecté par l’ordonnance | Effet Ordonnance |
PC déposé entre le 12 février et le 12 mars | Délai d’1 mois de vérification de la complétude | Suspension délai de vérification de la complétude jusqu’au 24 juin |
PC déposé et réception de demande de pièces complémentaires avant le 12 mars | Délai de 3 mois pour compléter le dossier | Suspension jusqu’au 24 juin |
PC déposé avant 12 mars et avec une complétude acquise (de manière expresse ou implicite) | Délai d’instruction | Suspension jusqu’au 24 juin |
PC déposé après le 12 mars | Délai d’1 mois de vérification de la complétude
Délai d’instruction |
Ne commencera à courir qu’à compter du 24 juin |
Évidemment, rien ne fait obstacle à ce que l’instruction perdure toutefois, pendant la période de l’état d’urgence sanitaire et jusqu’au 24 juin et même que des autorisations d’urbanisme soient délivrées. C’est d’ailleurs un aspect implicite de l’Ordonnance des délais – souligné par tous, mais qui pourrait en pratique faire naître des différences importantes selon les territoires – et voire même selon les projets considérés.
En tout état de cause, ce sont alors les délais de recours et de retraits de ces autorisations qui s’en trouvent affectés, par l’effet de l’article 2. Là-encore, le nombre de projets impactés – pour lesquels les autorisations ne peuvent être purgées de recours et retrait, apparait très important, comme le souligne le tableau ci-après :
Hypothèse | Délai affecté par l’ordonnance | Effet Ordonnance |
PC délivré avant le 12 mars 2020 – délai de recours non expiré | Délai de recours contentieux | Prorogation au maximum jusqu’au 24 août |
PC délivré avec un recours gracieux déposé après le 12 novembre
Décision implicite ou expresse de rejet après le 12 janvier |
Délai de recours contentieux | Prorogation au maximum jusqu’au 24 août |
PC délivré après le 12 décembre | Délai de retrait de 3 mois | Prorogation au maximum jusqu’au 24 août |
Et ces incertitudes demeurent d’autant plus importantes que la fin de l’état d’urgence sanitaire tel que fixée par la loi est susceptible également d’être modifiée. De la même manière, ces mesures, prises justement pour faire face au caractère exceptionnel de la crise, sont elles-mêmes susceptibles d’être réadaptées.
C’est dire à quel point l’Ordonnance présentée lors du Conseil des ministres du 15 avril 2020 est attendue. Le remède ne devra toutefois pas être pire que le mal :
– toute mesure visant à mettre fin à ces mesures de prorogation et de suspension devra en effet prendre en compte les impératifs des services administratifs en charge de l’instruction des autorisations d’urbanisme.
Et il convient de rappeler que l’instruction de telles autorisations n’est pas un long fleuve tranquille et est susceptible de faire intervenir une multitude d’administrations différentes, de services différents et qui peuvent, à des degrés différents également, ne pas être opérationnels durant le confinement et l’état d’urgence sanitaire ;
– toute adaptation de ces délais devra également prendre en considération, en premier lieu, les impératifs de sécurité juridique – afin de ne pas remettre en cause certains bénéfices de ces prorogations et suspensions pour les opérateurs, mais également le droit des requérants.
Comment remettre en cause des prorogations de délais de recours, là où il demeure impossible de procéder en théorie à l’affichage des autorisations d’urbanisme et à plus forte raison de se déplacer pour se rendre compte de ces affichages ?
Le Cabinet ATMOS avocats vous proposera donc très prochainement une série d’analyses de cette Ordonnance, dès que les termes en seront connus et, le cas échéant, sur les éventuelles directives et circulaires interprétatives que pourrait prendre l’administration sur ce point.
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